Harry Potter est un phénomène impressionnant pour toute une génération et un cas très intéressant pour nous. Le succès du livre auprès du jeune public a attiré des éditeurs d’autres médias, cinéma et jeu vidéo. En 2001, à peine quatre ans après la sortie du livre en 1997, Harry Potter à l’école des sorciers est devenu le nom d’un film et d’un jeu vidéo. Quel genre d’adaptation est proposé par ce jeu ?
« Incarne Harry Potter dans Harry Potter à l’Ecole des sorciers »
C’est la promesse faite par la présentation sur la couverture du jeu. « Incarner » un héros relève d’un fantasme de fusion : par l’intermédiaire du jeu, la fiction deviendrait réalité. Le joueur réel entre dans la fiction et on lui promet de vivre l’histoire du personnage de l’intérieur.
Observons de plus près toutes les promesses faite par cette jaquette :
Deviens Harry Potter en te lançant dans une aventure mystérieuse et passionnante au cœur du monde magique de la sorcellerie ! Découvre les nombreux secrets de Poudlard tout en apprenant à chevaucher ton balai, en jouant au Quidditch et en suivant les exercices délicats de l’apprentissage des sorts. Assiste bien à tous tes cours pour maîtriser les sortilèges et devenir un vrai sorcier. Apprête-toi à affronter Tu-Sais-Qui en compagnie de tes amis, Ron et Hermione !
- Facile à prendre en main : Utilise la souris pour déplacer Harry Potter et une seule touche pour déclencher des actions.
- Retrouve tout l’univers magique du livre Harry Potter à l’école des sorciers écrit par J.K. Rowling.
- Utilise des combinaisons de sorts pour reconstituer les puzzles magiques.
- Collectionne les cartes des sorcières et sorciers célèbres, les Chocogrenouilles et les dragées surprises de Bertie Crochue.
- Partage des aventures aux côtés de 20 personnages vedettes de l’univers de Harry dont Ron Weasley, Hermione Granger, Rubeus Hagrid, Peeves et le mystérieux professeur Rogue.
Jaquette publiée dans une annonce Le Bon Coin en septembre 2024
Cette jaquette révèle clairement que le public visé est jeune, avec son tutoiement, un côté à la fois rassurant et excitant, qui vise à émerveiller avec un vocabulaire positif : « aventure mystérieuse et passionnante », « univers magique ». Le joueur va rencontrer des « sorcières et sorciers célèbres », ainsi que « 20 personnages vedettes ».
Pourquoi parlons-nous alors d’un prolongement plus que d’une adaptation ?
Le jeu contient de nombreuses allusions précises au livre. Les lieux et les personnages portent le même nom que ceux du livre. De nombreux éléments du livre se retrouvent dans le jeu, comme les chocogrenouilles, les cours de magie où l’on apprend à réaliser des sortilèges, Dumbledore, Rusard, le quidditch. La fin du jeu suit page par page le livre avec une série d’épreuves à passer : Touffu, le chien à trois têtes, la poursuite des clés, la plante tentaculaire, l’échiquier géant et le boss final avec Vous-savez-qui. Si la fin est très fidèle au livre, peut-être parce que la fin du livre est écrite comme un jeu vidéo, c’est moins vrai pour le début du livre.
Tout le début du livre, qui raconte la triste condition où les Dursley ont condamné Harry et la découverte progressive d’un monde magique parallèle où il a une place privilégiée, est résumé en quelques diapositives sous-titrées. Nous ne pouvons contrôler le personnage qu’une fois arrivé à Poudlard. L’ordre des événements est aussi modifié dans ces diapositives, puisque le jeu commence platement avec la naissance d’Harry Potter, au lieu de commencer in medias res dans la rue de Privet Drive, comme le fait le roman. En outre, le joueur de 2024 qui est habitué aux dialogues à choix qui sont devenus une banalité dans les jeux narratifs peut être déçu : le joueur n’a aucun choix à faire dans ce jeu de 2001. Peut-il être question de vivre dans la peau d’Harry Potter si on ne peut pas participer aux dialogues dans le jeu, même de manière symbolique ?
Les épisodes du livre ne sont en réalité jamais expliqués au joueur et on lui demande régulièrement de se rappeler ce qu’il sait déjà. La première fois que l’on croise Ron, celui-ci nous demande : « Tu te souviens de moi ? » « Malefoy plus accusateur nous interpelle : « Au cas où tu ne le sauras pas, je m’appelle Drago Malefoy. » Il faut que le joueur connaisse l’univers pour suivre l’histoire. Le plaisir de l’incarnation vient quand le joueur met le nom qu’il connaît déjà sur le visage polygonal du personnage du jeu.
Il en ressort un certain plaisir : plaisir de reconnaître ce qu’on connaît déjà, plaisir de retrouver ce qu’on avait déjà trouvé, mais peut-être aussi une gêne : comment faire si l’on n’a pas lu le livre ?
La suite du jeu confirme cette impression. En réalité, nous n’allons pas véritablement vivre dans la peau d’Harry Potter : nous ne partagerons pas ses angoisses liées au professeur Rogue ni son plaisir d’être dans un groupe d’amis. Nous ne pourrons pas participer aux dialogues où tout est déjà prévu. Nous ne pourrons en rien modifier l’histoire, le seul danger étant de ne pas trouver comment passer au niveau supérieur ou de nous faire tuer par un ennemi.
Ce sont les différentes raisons qui nous font davantage penser à un prolongement du livre qu’à une adaptation. Le plaisir de jouer au jeu est bien moindre si on n’a pas lu le livre, parce qu’on passerait complètement à côté de ce plaisir de reconnaissance sur lequel est construit ce jeu.
Autres pistes de réflexion à approfondir
L’auteur
Contrairement au jeu le plus récent Hogwarts Legacy, qui mettait très en avant le fait que JK Rowling n’avait pas participé à l’écriture du jeu, il semble que l’auteur de la série des Harry Potter se soit impliquée dans le développement de ce jeu. Un livre a été publié sur la création du jeu par Gaëtan Boulanger.
Une question qui serait intéressante à documenter serait de savoir à l’inverse si JK Rowling n’a pas écrit la fin du livre Harry Potter à l’école des sorciers en pensant à un jeu vidéo. La succession des salles et des énigmes fait nettement penser à un scénario de jeu vidéo.
Adapter en film et en jeu
Le jeu est sorti à dessein en même temps que le film. Les dessins qui résument l’histoire évoquent clairement les acteurs du film. Les doublages cependant ne sont pas réalisés par les mêmes doubleurs. Y a-t-il des liens plus profonds ?
Le genre du jeu
Il s’agit d’un « jeu de plateforme » à la 3e personne ou plutôt un « jeu de couloirs » où il faut faire des séries d’actions pour ouvrir des portes, notamment des formules magiques avec des mouvements à la souris. Il n’était sans doute pas possible d’imaginer un jeu combinant RPG et aventure comme c’est si fréquent aujourd’hui.
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